LE SANG DES COMMUNARDS

FERRAIN et TARADE

« La Commune est une partie intégrante de l'histoire de France. Tous ses combattants, hommes et femmes, sont des héros. L'auteur en cite deux qu'il a retrouvés, en cherchant dans son passé. On connait les personnages importants qui ont participé à ce conflit, on ignore les noms de tous ces héros anonymes, et, pour cause, leur nombres est impressionnant. Ces pages sanglantes sont gravées dans le temps, et dans les mémoires. »

Après Georgette, ce roman est la deuxième partie de la saga des Ferrain - Tarade.

Réaliste, historique et captivant. Un livre qui nous transporte à la fin du XVIIIème siècle à la rencontre de deux familles qui unissent leurs destins en pleine période de guerre franco-prussienne puis franco-française. (84 pages. 2011)

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Extrait tiré du chapitre Edouard Ferrain

Edouard Ferrain habitait dans le passage Bouchardie, en plein cœur du quartier de Belleville. Il exerçait le métier de souffleur de verre. Il venait d’atteindre ses vingt et un ans.
Les élections législatives de 1869 approchaient. Le candidat de Belleville, Léon Gambetta, présentait un
programme social qui convenait parfaitement aux souhaits d’Edouard. Gambetta avait appelé ce
programme, "Le programme de Belleville". Son projet s’appuyait sur des idées révolutionnaires, lesquelles
servaient de fer de lance aux revendications des Républicains.
Ce programme demandait, en premier lieu, l’application sans restriction du suffrage universel, la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la reconnaissance et la liberté de la presse, la liberté de se réunir (en comités ou en associations) et bien d’autres exigences encore.
Devant de telles demandes, l’Assemblée Nationale Constituante en place, agitait le fameux "spectre rouge", particulièrement dans les quartiers populaires, là où le peuple avait décidé de porter ses voix à gauche. Le résultat des élections fit l’effet d’une bombe. Tous les
arguments mis en avant pour discréditer les Républicains tombèrent à l’eau. Le score fut sans appel.
Près d’un million trois cent mille électeurs votèrent à gauche.

Edouard était satisfait de cette victoire. Souvent, le soir, il se rendait dans un estaminet de la rue des Couronnes. C'était l'endroit où il rencontrait des gens du peuple avec lesquels il aimait parler de tout et de rien, autour d’un pichet de vin rouge ou d’une absinthe.
Ce soir là, la salle était pleine et particulièrement surchauffée. Les hommes commentaient le résultat des
élections en parlant tous à la fois. C'est alors que le tailleur de pierres Symphorien Tarade, de sa voix grave et forte, s'adressa aux consommateurs. Toutes les têtes
se tournèrent vers lui.
"Désormais, dit-il, les patrons devront respecter les travailleurs !"
"Nous devons travailler moins longtemps et être mieux payés !"
"Il nous faudrait une augmentation de dix, voir douze pour cent ! Et puis, nous devons accéder aux caisses de secours et aux caisses de retraite !"
Un charbonnier tout noir monta sur une chaise.
Symphorien a raison clama-t-il, nous ne sommes pas seuls. Le mouvement revendicatif balaie la France
entière. A Saint Etienne, à Carmaux, à Lyon, à Rouen, à Elbœuf les grèves touchent toutes les corporations.

Il reprit en élevant la voix.
"A Firminy, la troupe impériale a assassiné une femme et un enfant et soixante mineurs ont été jetés en prison. A Aubin, quatorze travailleurs sont tombés sous les balles des fusils français. Camarades ! Unissons-nous, la révolution est en marche !"